Les fouilles…


Mis à jour le 23 octobre 2023

… un passé redécouvert

Entreprises par le Centre archéologique de Seclin, d’abord sous la direction de Karl Bouche, puis par Guillaume Lassaunière, Responsable du Centre, des fouilles ont été réalisées de septembre 2008 à janvier 2009, puis de janvier à avril 2011, et au printemps 2022, aux abords de la collégiale Saint-Piat. À partir des articles parus dans notre bulletin Collégial’Info (depuis le n°6 de décembre 2009), nous résumons ci-après ce que ces fouilles ont révélé.

D’abord, le diagnostic a permis, en 2008-2009, d’émettre une hypothèse concernant la façade de la collégiale : celle que, jadis, on entrait dans l’édifice par une tour-porche, tenant à l’édifice et se trouvant au centre, face au parvis dénommé depuis juillet 2007 « Parvis Cardinal Albert Decourtray ». Une fois cette tour franchie , on pénétrait dans la collégiale ; pour situer les choses, et sous réserve d’autres recherches archéologiques, disons que cela devait correspondre, à peu près, à la limite actuelle de la tribune destinée à supporter un orgue. Par la suite, le clocher a été déplacé à l’endroit où il est actuellement ; cela a dû se faire dans le premier tiers du XVème siècle, d’où la date de 1431 qui figure dans sa partie supérieure.

La façade a donc été avancée, à son niveau actuel. Faut-il faire un lien avec l’escalier d’entrée de la crypte qui a été retrouvé lors des fouilles précédentes, à l’intérieur de la collégiale ? Le fait que la façade étant plus rapprochée, il s’avérait sans doute plus pratique de descendre dans la crypte à l’opposé de l’escalier actuel. Rappelons que les archéologues seclinois ont trouvé, dans l’ancien escalier, une date gravée sur une paroi, celle du 6 mai 1487, c’est-à-dire durant le siècle où la tour-porche a été déplacée.

Ancien escalier d’accès à la crypte

Quant aux alentours de la collégiale, quatre sites ont été explorés : devant sa façade, sur le parvis Cardinal Albert Decourtray ; au sud, côté rue Jean Jaurès ; place du Général de Gaulle ; et au nord, rue Abbé Bonpain. Nous détaillons ci-dessous les éléments les plus importants découverts par les archéologues seclinois, et ce à partir des écrits à l’intention de notre association par Guillaume Lassaunière. C’est notre passé qui a ainsi été redécouvert…

I – Devant la façade de la collégiale, parvis Cardinal Albert Decourtray

Plusieurs niveaux de cimetières : des squelettes superposés au fil des années. Des traces d’un chemin qui venait de l’actuelle rue Abbé Bonpain, passait devant la collégiale et continuait vers la ruelle des Clochettes. On peut émettre l’hypothèse qu’il se dirigeait vers l’hôpital Saint-Nicolas dont les fondations ont été retrouvées en 2005 lors du chantier de fouilles des Jardins du Moulin, à l’angle des rues Sadi Carnot et Marx Dormoy. Cet hôpital est mentionné dans des textes datés de 1251, mais on sait qu’il existait avant 1246, date de fondation de l’hôpital Notre-Dame par la comtesse de Flandre, Marguerite.

II – Au sud de la collégiale

Il s’agit de l’espace compris entre la collégiale et la rue Jean Jaurès. Il y eut tout d’abord la découverte des fondations d’un cloître qui jouxtait la collégiale et qui a été démonté au cours du XVème siècle. Des sépultures ont été retrouvées à cet endroit, sans doute de dignitaires.

C’est de ce côté qu’ont été mises au jour de nombreuses fondations de constructions relatives aux bâtiments des ecclésiastiques. Nous sommes là en plein quartier canonial, c’est-à-dire le territoire qui, englobant la collégiale, appartenait au Chapitre des chanoines. Il était fort important puisque, si l’on se réfère au tracé des rues qui existent de nos jours, il a pu se délimiter ainsi, avec les réserves habituelles faute de preuves tangibles :

– toute la rue Jean Jaurès jusqu’à la Place Saint-Piat
– toute la rue Abbé Bonpain, la rue Saint-Louis qui se continuait jusqu’à la rue Marx Dormoy
– la rue Marx Dormoy jusqu’à la rue Carnot
– la rue Carnot qui rejoint la rue Jean Jaurès.

Sous ce qui est devenu un parc de stationnement, face à La Voix du Nord et à La Palette du Libraire, les archéologues ont retrouvé au sujet des constructions, des matériaux durables agencés avec soin, des assises de moellons de craie minutieusement équarris, des espaces de circulation parfaitement plans, une cour intérieure recouverte de terres cuites pour éviter de patauger dans la boue, des puits pour puiser l’eau de la nappe phréatique, des latrines à usage privatif, une conduite maçonnée pour drainer les eaux usées. On peut donc ici parler d’éléments de confort et d’hygiène ; c’est là que se trouvait la maison du Doyen.

Outre ces éléments de constructions, les archéologues ont pu recueillir des objets très divers qui apportent des indications fort précieuses pour le passé de cet endroit. Ils furent exposés lors de journées « Portes ouvertes » au Centre archéologique et se rapportaient à un vaisselier médiéval et moderne, couvrant une période de cinq siècles (XIIIème au XVIIIème) : cruches, pichet, gobelets, bouteilles et poêlons.

Là également, le sous-sol contenait des fragments de vitraux et de vitrerie qui devaient orner des bâtiments implantés au sein de l’enclos canonial. Les archéologues, en les décrivant, ont précisé : « Présents entre le quatorzième et le vingtième siècle sur le site, ils peuvent aussi bien provenir de bâtiments civils que d’édifices religieux ». Dans ces conditions, il est impossible de dire à quel emplacement ils se trouvaient à l’origine.

Toujours au même endroit, une autre moisson a été récoltée, celle d’un abondant matériel architectural formant au total 250 pièces de toute nature, ce qui a représenté 168 fragments pour le dépôt lapidaire du Centre archéologique seclinois. On peut citer : des socles, des bases de colonnes, des tambours de colonnes, des tronçons de colonnettes, des chapiteaux, des tailloirs (partie supérieure d’une colonne qui surplombe le chapiteau et reçoit les nervures d’une voûte). Les archéologues ont constaté l’importance du phénomène de remploi à l’époque moderne (XVème au XVIIème s.), beaucoup de pièces ayant été recyclées. On trouve là aussi bien de la pierre bleue de Tournai, des grès roses de l’Ostrevant et des craies blanches du Mélantois.

À l’occasion des journées du patrimoine 2023, le Centre archéologique de Seclin, en lien avec notre association, a monté une belle exposition sur un thème original : À la table du Doyen.

Lors des fouilles entreprises il y a quelques années sur ce qui est aujourd’hui le parc de stationnement de voitures côté rue Jean Jaurès, Guillaume Lassaunière et son équipe ont notamment retrouvé les fondations de ce qui fut la Maison du Doyen, l’appellation de Doyen recouvrant le titre de celui qui, étant l’adjoint du Prévôt, dirigeait de fait le chapitre de chanoines de la collégiale Saint-Piat. Cette demeure, ce manoir, était à la hauteur de ses fonctions, c’est-à-dire de grande dimension et dominant les bâtiments voisins, avec un confort en avance sur son temps.

À son emplacement, les archéologues ont récupéré des vestiges relatifs à l’immeuble, des morceaux de poteries, ainsi que les ferrures de la porte d’entrée, sachant que le bois, au fil des années, s’était délité.

Cette Maison du Doyen était reliée à la collégiale par un cloître qui aboutissait directement à l’édifice à un endroit que l’on ne peut pas déterminer exactement mais qui devait correspondre à peu près au transept droit de la collégiale.

L’exposition comportait deux éléments. D’une part, des panneaux avec des textes explicatifs concernant les éléments retrouvés, mais aussi deux dessins qui ont été réalisés par Lilian Gabelle.

Le premier dessin représente l’environnement du quartier au tout début du 15ème siècle, avec la Maison du Doyen qui domine au premier plan. Ce dessin a la particularité d’être une restitution des lieux, à partir des fouilles, des constatations et des relevés effectués lors de celles-ci.

© Lilian Gabelle 2023, Ville de Seclin

Le second dessin montre l’intérieur d’une salle de la Maison du Doyen avec une table sur laquelle sont déposés des objets utilisés pour les repas. Tous ces objets ou ustensiles correspondent à des morceaux de poteries retirés lors des fouilles et qui ont donc forcément appartenu au Doyen, par exemple une salière du plus bel effet.

© Lilian Gabelle 2023, Ville de Seclin

Le Centre archéologique de Seclin s’est adressé à Véronique Durey, spécialiste de céramiques médiévales, pour faire reproduire les poteries à l’identique. Ces répliques ont été exposées dans une vitrine,

Au printemps 2022, des sondages ont été effectués à proximité du flanc sud de la collégiale. Pour les archéologues, cette campagne de fouilles est riche d’enseignements, en particulier pour ce qui concerne les décors de l’église romane. Voici ce qu’écrit Guillaume Lassaunière dans notre bulletin Collégial’Info n°21 de septembre 2022. « Si aujourd’hui le plan de la première collégiale, dont la construction est à placer autour de l’an Mil, commence à se dessiner au regard des dernières recherches (cf. bulletin de 2021), son décor intérieur reste largement méconnu. Cette intervention a permis de lever en partie le voile sur ce sujet. En effet, les terres du cimetière [près de l’église] ont livré de nombreuses pièces d’un dallage en marbre et d’importants fragments de sols construits en mortier de tuileau. Ces éléments ont selon toute vraisemblance été rejetés au sein de l’espace funéraire au moment du chantier relatif à l’agrandissement de l’église au XIIIème siècle et devaient orner le chœur particulièrement impacté par ces travaux. 

III – Place du Général de Gaulle

Là se trouvait la continuation du cimetière paroissial de la rue Abbé Bonpain (et sans doute de tombes situées sous l’actuelle collégiale) dont la mise en service au Xème siècle indique la double vocation du nouvel édifice : à la fois église paroissiale et collégiale des chanoines. Au milieu de ce cimetière, deux découvertes exceptionnelles ont été faites car elles ont un rapport immédiat avec la collégiale.

Tout d’abord, un mélangeur à mortier que l’on peut dater du Xème siècle, c’est-à-dire de l’époque où a été construit l’édifice religieux primitif qui se localiserait sous les fondations de la collégiale actuelle. Comme son nom l’indique, ce mélangeur à mortier a servi à l’édification de cette église. C’est une chance extraordinaire qu’il n’ait pas été détruit au fil du temps. Il se présente sous la forme d’un bassin circulaire ouvert ; au centre, un poteau servait de pivot à une pièce de bois supportant des pales verticales qui assuraient le mélange du mortier.

Four à cloches

La seconde découverte, c’est celle d’un four à cloches qui date sans doute de la construction de la tour-clocher, vers le milieu du XVème siècle, comme nous l’avons vu précédemment. Les cloches étaient ainsi fabriquées sur place.

Ces deux vestiges sont donc liés à l’activité d’artisans qui ont œuvré à l’édification et à l’aménagement de la collégiale. Pour l’anecdote, on peut encore dire que les archéologues ont aussi retrouvé les fondations de l’ancien kiosque à musique détruit en juillet 1962.

IV – Au nord de la collégiale

Il s’agit ici de la rue Abbé Bonpain où se trouvent le Jardin de la Victoire et le Monument aux Morts. C’était là qu’était le cimetière, déménagé en 1810, et qui se continuait place du Général de Gaulle. 300 sépultures ont été explorées, ce qui correspond à un petit nombre de la population totale du cimetière. À cet endroit ont également été récupérés des fragments de vitraux et de vitrerie ; les archéologues ont indiqué à leur sujet que « par le type de peintures et la chronologie qui en découle, il est fort probable que ces fragments découverts […] au niveau du chœur de la collégiale appartiennent à l’édifice religieux. La plupart remontent au XIVème siècle. […] Les archives nous renseignent qu’au moins deux interventions ont eu lieu au XIVème siècle sur les verrières de l’église (1378-1379 et 1390-1391) ». Et puis, toujours au même endroit, il y a eu cette découverte capitale faite en janvier 2011 : ce qui fut peut-être le premier mausolée de saint Piat…

C’est dans le bulletin n°12 de juillet 2013 que cela a été décrit par Guillaume Lassaunière, dessins et photographies à l’appui. Pour le situer sur le trottoir longeant la collégiale, on peut dire que le début du mausolée était environ à hauteur du café Au Lion de Seclin ; il mesurait 8 mètres et son extrémité aboutissait à hauteur du début du transept nord de la collégiale. Nous sommes donc là à très peu de distance du Monument aux Morts.

Cet édifice de type semi-hypogé, à savoir en partie excavé à la manière d’une crypte, possédait une entrée étroite sur la façade occidentale (donc vers l’actuel boulevard) à laquelle les pèlerins accédaient par un escalier extérieur. Le sol avait été aménagé solidement. Des baies vitrées existaient, le bâtiment était couvert de tuiles ; une fosse rectangulaire vidée de son contenu confirmerait la vocation funéraire de l’édifice dans lequel a d’ailleurs été retrouvé un fragment de bénitier en pierre calcaire. Sur la paroi intérieure a été repérée une couche préparatoire susceptible de recevoir un lait de chaux avant l’exécution de fresques. Un placage de marbre rouge a aussi été retrouvé, de même qu’un tesson de verre plat translucide rouge à veines rouges ; il proviendrait d’un vitrail plombé. De même les archéologues ont recueilli des tesselles de mosaïques de marbre blanc provenant sûrement d’un décor de pavement. (© Centre Archéologique de Seclin pour les deux représentations ci-dessous)

Représentation du mausolée du VIIème siècle
Hypothèse de restitution de l’intérieur

Pour conclure sur ce point qui s’avère capital dans l’histoire de la collégiale, nous reprenons ici ce qui a été indiqué dans la brochure éditée à l’été 2013 par la Direction Régionale des Affaires Culturelles, sous la signature de Guillaume Lassaunière :

« Au regard des découvertes exceptionnelles et à la lecture des textes anciens, il serait tentant de rapprocher ce monument de “l’élégant mausolée” élevé par Éloi. À l’origine du culte voué à saint Piat, il a de tout temps été considéré comme le premier lieu de culte chrétien érigé dans la capitale du Mélantois[…]

« Le démantèlement du mausolée à la fin du IXème siècle pourrait cependant coïncider avec l’érection de la nouvelle église et notamment de sa crypte encore visible de nos jours en dépit de plusieurs remaniements ».

En d’autres termes, l’histoire pourrait se résumer ainsi, sous toutes réserves évidemment car aucun document ne peut corroborer cela :

– Après son martyre à la fin du IIIème siècle, saint Piat fut inhumé, sur place, à Seclin.

– Selon la légende qui découle de textes anciens, saint Éloi retrouve une sépulture au VIIème siècle qu’il identifie comme étant celle de saint Piat et il construit un mausolée, celui qui a peut-être été découvert début 2011.

– À la fin du IXème siècle, ce mausolée est démantelé et les restes de saint Piat sont transférés dans la crypte de la collégiale alors en construction, dans un nouveau tombeau qui est toujours visible…

Les fouilles de 2011 nous ont donc permis d’avoir un nouveau regard sur ce qui fut le tombeau de saint Piat au fil des siècles.