Mis à jour le 12 février 2025
Dans l’espace sanctuarisé du chœur de la collégiale Saint-Piat, on trouve les stalles (celles des chanoines du chapitre jusqu’à la Révolution), les sièges du célébrant et des servants, ainsi qu’une cathèdre.

La cathèdre de la collégiale Saint-Piat
Du latin cathedra, qui signifie siège à dossier, la cathèdre est le siège autrefois réservé à l’évêque lors de ses visites pastorales. De nos jours, elle est inusitée. Seule subsiste la cathèdre de l’évêque dans son église cathédrale (Notre-Dame de la Treille, pour Lille). Elle représente à la fois l’autorité du gouvernement de l’évêque et son rôle dans l’enseignement de la doctrine. Encore appelée chaire épiscopale, elle est située dans le chœur, à proximité du maître-autel. C’est sur ce siège, qui se doit d’être fixe, que l’évêque préside l’assemblée liturgique. Dans la collégiale Saint-Piat, cette cathèdre est solidement fixée ; elle est située près de l’ancien maître-autel, sur sa gauche.

Fixation de la cathèdre
La cathèdre présente dans la collégiale est composite. Elle a été réalisée après la Première guerre mondiale, en partie avec des restes de l’ancienne chaire du couvent des Annonciades de Lille (celle achetée en 1784 par le chapitre des chanoines) écrasée en octobre 1918 par l’effondrement de la tour du clocher et d’une partie de l’édifice suite au dynamitage par les troupes allemandes avant leur départ de Seclin.

L’ensemble mobilier, que certains auteurs assimilent à un trône, comprend cinq éléments : un fauteuil, une estrade, un dais, un dorsal et un meuble.
Le fauteuil, étroit, avec ses accoudoirs, à l’assise de velours rouge, est placé sur l’estrade ; il n’est pas fixe. À leur base, les pieds sont renforcés de métal. On peut dire qu’il est sans caractère particulier.


L’évêque prend place sur une estrade à trois degrés dont le dernier est orné d’un motif de marqueterie. Du haut de son siège, l’évêque voit son « troupeau ». Selon saint Augustin, « Les évêques sont assis plus haut que les autres prêtres afin qu’ils songent et se rappellent qu’ils sont comme une vigie dont les regards surveillent le troupeau ». À l’inverse, les fidèles peuvent ne pas le quitter des yeux. En signe d’humilité, la hauteur totale des trois degrés de l’estrade est inférieure à celle des degrés du maître-autel tout proche.

Marqueterie du degré supérieur
Ces deux premiers éléments sont surmontés par le dais de bois orné de deux angelots. Est-ce un rappel des Écritures qui mentionnent le trône de Dieu entouré par les anges ? Le dais est relié à l’estrade par un dorsal de bois très étroit et très haut, pour rappeler qu’autrefois, le faîte du dossier [de la cathèdre] devait dépasser la mitre de l’évêque lorsqu’il était assis (source : Communauté Saint-Martin). Sur le dorsal une moulure creuse au profil curviligne dessine deux lancettes ogivales. Entre leurs têtes, un angelot joufflu atténue quelque peu l’austérité de ce dorsal.

Dessous du dais et haut du dorsal avec la tête d’angelot
Un meuble est placé devant le fauteuil ; il prend appui sur le deuxième degré de l’estrade. Trois panneaux sculptés composent l’extérieur du meuble. Ces panneaux proviennent de l’ancienne chaire des Annonciades de Lille. Chacun d’entre eux représente l’un des évangélistes. Sur la façade, on reconnaît saint Jean et l’aigle dans un cadre de branchages, de fleurs et de fruits ; sur les côtés, saint Luc et le taureau, saint Marc et le lion.



Une étagère à l’intérieur du meuble et un pupitre incliné complètent le meuble. À noter que ce dernier, ainsi réalisé, a servi pour un temps comme support de la châsse de saint Piat. (Source : Jean-Paul Thorez, Les secrets de la collégiale Saint-Piat de Seclin, page 69).

Vue intérieure du meuble
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Question : une cathèdre existait-elle au temps des chanoines ?
Un texte du 4 juillet 1777 y répond, semble-t-il, de façon négative.
4 juillet 1777 – Réception de l’évêque de Tournai (à l’époque, Seclin dépend du diocèse de Tournai)
» 1777, 4 juillet. – MM., au sujet du cérémonial à observer dans la réception de S.A. Mgr l’évêque de Tournay, lors de sa première entrée à Seclin, ont d’abord résolu d’avancer l’office, de sorte qu’il soit fini à 7 heures. M. le maître de fabrique est commis pour faire travailler aux ornements qui doivent décorer la place que S.A. occupera dans le chœur au côté droit du Maître-Autel, sous un dais. Son arrivée sera annoncée la veille par le son de toutes les cloches pendant une heure. Le clergé de la Collégiale, le lendemain, à l’heure indiquée, se rendra processionnellement à la barrière de la rue de Lille, où le plus digne du chœur présentera à baiser à S.A. les reliques de S. Piat. Le son de toutes les cloches annoncera pour lors l’entrée de Mgr qu’on conduira processionnellement à l’église en chantant en faux bourdon le psaume Memento Domine David(1). Arrivé à la porte de l’église, le plus digne du chœur lui présentera l’eau bénite, l’encens à bénir et l’encensera. On chantera pour lors l’antienne Ecce Sacerdos magnus(2) jusqu’au chœur de la collégiale où étant arrivé et Mgr monté sur le siège(3) qui lui aura été préparé, on chantera les versets et oraisons suivant le rituel, après quoi le Te Deum (4) en musique et l’oraison. La personne députée par le chapitre pour dire la messe vis-à-vis de S.A., attendra ses ordres. Mgr ayant fini de donner la confirmation sera conduit à la prévôté processionnellement et dans l’ordre que dessus au son de toutes les cloches. »
1. Memento Domine David : Souviens-Toi, Seigneur, de David et de toute sa grande soumission (Psaume 131)
2. Ecce Sacerdos magnus : Voici le Grand Prêtre qui, en ses jours, a plu à Dieu (lecture tirée du Livre de la Sagesse)
3. Il est possible que ce siège ait été un faldistoire. Ce siège mobile, autrefois pliant, commode par sa légèreté, est utilisé par l’évêque quand il s’assied, par exemple pour administrer le sacrement de la confirmation comme ce fut le cas le 4 juillet 1777.
4. Te Deum laudamus : Nous vous louons, ô Dieu !
Philippe Bacqueville